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Tics & tocs des plumitifs

Elles nous envahissent, envolées de lierre s’accrochant solidement à la façade de nos articles, parasites du langage, les expressions toutes faites du journalisme finissent par rendre notre prose informative beaucoup trop prévisible. Nous les avons réhaussées de rouge, comme si elles avaient été repérées par un « dieu correcteur » qui nous enjoindrait de… revoir notre copie !

Commençons par le succès d’estime, la bonne progression, l’évolution favorable ou les débuts encourageants remplacés par le désormais traditionnel vent en poupe, à contrario une personne ou société en situation difficile sera toujours au cœur de la tourmente, jusqu’à la descente aux enfers (un vrai hit, cette expression !) bien que les protagonistes n’aient pas manqué de réagir en montant au créneau, le plus souvent rapidement, c’est-à-dire tambour battant, pour éviter de voir la pire situation se réaliser, le fameux scénario catastrophe ! Pourtant les responsables avaient tiré la sonnette d’alarme… ils auraient pu prévenir du danger, prendre conscience de la situation, communiquer sur la dégradation du climat ambiant, alerter les uns, formaliser ou expliciter leur inquiétude sur le sujet auprès des autres…NON ! Ils ont tiré la sonnette d’alarme ! Une vraie bande de paranos perdus dans un train fou ! La sonnette d’alarme est tirée partout et à tous propos, dans tous les médias, par des journalistes de tous poils. De même quand une personne corrobore les dires d’un premier témoin d’une affaire, quand il confirme un jugement, une opinion ou une information, on parlera du fameux même son de cloche, « même son de cloche du côté du parquet », « même son de cloche de la part du ministre », « même son de cloche à la direction » partout ce sont, chaque jour des centaines de cloches qui sonnent dans les articles de presse écrite, les reportages T.V ou les chroniques radiophoniques ! Assourdissant ! Le lecteur pourrait se croire enfermé tel quasimodo dans le beffroi de Notre-Dame un soir de Noël !

À propos de Notre-Dame et de Noël, il faut bien reconnaître qu’une personne étant ostracisée, rejetée, peu appréciée ou mal vue, sera systématiquement considérée comme n’étant pas en odeur de sainteté… Si sa réputation se dégrade, on ne le critiquera pas de façon acerbe mais on préfèrera toujours tirer sur elle à boulet rouge, quitte à défrayer la chronique (des dizaines de chroniques sont défrayées chaque jour, dans les journaux, une folie !). On tire toujours à boulet rouge !

Une nouvelle qui contrarie l’ambiance, une révélation gênante sera toujours définie comme étant un pavé dans la mare (le monde de la presse est quotidiennement envahi de centaines de mares où surnagent des milliers de pavés, un vrai désastre pour l’environnement !) et cette nouvelle de mauvais augure donc, ce pavé dans la mare, ne manquera jamais de faire grincer les dents, on grince des dents partout en France, dans les syndicats, à la direction, au ministère, au sein des associations… Partout, tout le monde grince des dents, mais souvent en restant sur ses positions, en refusant d’appréhender la question ou de participer à améliorer la situation, bref en restant droit dans ses bottes ! La révélation d’une affaire, le détail qui nous informe a toujours fuité. D’où ça ? Eh bien, le plus souvent d’une source proche du dossier ! Dans les années 70/80, les fuites provenaient des milieux autorisés (les années 80 étaient lardées de milieux où on ne manquait pas de s’autoriser plein de trucs !), dans les années 90/2000, elles émanaient du microcosme, aujourd’hui, elles fuitent et proviennent systématiquement d’une ou plusieurs sources proches du dossier, c’est comme ça !  Dans cette affaire, les différentes personnes mises en causes devront, dans tous les cas, faire face au feu des critiques, agir au mieux pour sortir de l’impasse (les autoroutes de l’information semblent désormais envahies d’impasses de toutes sortes…) et finir par tirer leur épingle du jeu. À moins que, cerise sur le gâteau, une autre affaire ne vienne aggraver la situation et ne permette pas de voir le bout du tunnel.

Pour finir, il nous reste à évoquer la découverte, dans des affaires de banditisme ou de terrorisme, par les enquêteurs des diverses caches d’armes, invariablement accompagnée de la formule obligatoire : lors de la perquisition, les policiers sont tombés sur un véritable arsenal. Dans le maquis corse, dans la cave d’un HLM du 9.3 ou le coffre d’une Range Rover garée au troisième sous-sol d’un parking du 7e arrondissement, dès qu’on récupère plus de trois « pétoires » accompagnées d’une poignée de munitions, on a affaire à un véritable arsenal ! Attention, la formule est invariable : on n’a pas découvert un petit arsenal ni un drôle d’arsenal… NON ! Un véritable arsenal, la formule semble avoir été déposée à la société des journalistes et son utilisation partielle ou tronquée passible d’une mise à pied ! Voilà, je crois que nous avons fait le tour des principaux poncifs journalistiques du moment. Ne voulant pas mettre le feu aux poudres, nous signalons que ce texte humoristique n’a pas la prétention de donner la moindre leçon à qui que ce soit. Il relève plutôt d’un réflexe d’auto critique et de vigilance à l’égard de ces expressions toutes faites qui fleurissent et s’enroulent, comme autant de plantes grimpantes, le long des colonnes, y compris les nôtres, parfois… Dans tous les cas, comme l’écrivent la majorité des reporters enquêteurs : affaire à suivre !

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